Des mots et plus encore pour les SDF

Sans abris
Crédit Photo : Zane Lee, Unsplash
















Qui sont ces hommes et ces femmes que nous ne voyons plus à force de les voir chaque jour en bas de chez nous ? Notre regard se serait-il habitué à la misère ?
Fermer les yeux permet sans doute de nous protéger, d’éviter d’affronter notre impuissance. S’enfermer dans une bulle pour ne pas être envahi par la culpabilité.
La grande précarité nous renvoie aussi à nos propres peurs. Peur de la différence, peur de l’échec, peur de ne pas agir ou de mal agir. Nous avons déjà tant à faire et si peu de temps pour nous-même, alors pour les autres... Et pourtant, la réalité est là.
Difficile de recenser le nombre de personnes sans domicile fixe ou sans abri. La dernière enquête effectuée en 2012 par l’Insee estimait qu’ils étaient alors 143 000, un nombre qui avait bondi de 50% en 11 ans. En 2019, ils seraient 200 000 dont un quart travaille. Ces travailleurs pauvres qui ne gagnent pas suffisamment pour avoir un toit. Des personnes qui se battent pour garder un semblant de dignité et qui, le plus souvent, n’osent avouer qu’ils dorment dans des hébergements d’urgence ou des parkings. Cette honte qu’ils ravalent alors qu’ils devraient être fiers de ne pas baisser les bras, alors que la honte devrait changer de camps. 
A quel moment leur vie a basculé ? Quels sont leurs points communs ?
Sans surprise, l’enfance et le milieu social sont des facteurs déterminants dans la spirale de l'exclusion. 
  • 86 % des sans-domicile ont vécu dans leur enfance au moins un événement douloureux lié à leur environnement familial *.
  • Un quart a été placé dans une institution, en foyer ou en famille d’accueil *.
  • Les deux tiers de ces derniers ont subi des violences ou des mauvais traitements *.
Tout le monde ne court donc pas le même risque de se retrouver dans la rue.
Une fois encore, travailleurs sociaux et associations sont là, pour aider, réparer, accompagner, écouter. Là pour essayer de changer la vision portée sur un monde que nous tentons de rendre invisible pour mieux le supporter.
S'appuyant sur la technologie, Entourage a développé une application sur mobile permettant à chacun d’agir à son échelle, près de chez lui. Grâce à ce réseau, les habitants, les associations et les personnes SDF ou sans abris peuvent se connecter (car contre toute attente, ils sont nombreux à être équipés d’un téléphone portable) pour échanger et se rencontrer autour d’activités de quartier comme des projections-débats, des pique-niques ou des rencontres sportives. Une manière de (re)créer du lien. Cette question du lien social avait aussi été au cœur d’une touchante campagne de sensibilisation pendant l’été 2018.
Visuel Association Entourage
Le besoin de lien passe aussi par des services de proximité basiques et utiles : pouvoir boire un verre d'eau, réchauffer un plat, utiliser des toilettes. La porte des 700 commerçants du réseau Le Carillon est ouverte. Reste à la franchir... pas si facile quand on n'a pas l'habitude. D'où l'intérêt de connaitre ces initiatives et de les encourager.
Visuel Le Carillon
En renfort des actions terrain admirables menées par les associations, les campagnes de sensibilisation sont indispensables, pour lever des fonds et des tabous, pour ouvrir nos yeux et nos cœurs.
Ainsi, le Samu Social a choisi de nous interpeler par des grilles de mots croisés à double sens
« En 3 lettres, endroit où l’on dort ». Vous pensez à un LIT ? La réponse est RUE. 
« En 4 lettres, on l’a au-dessus de la tête ». Un TOIT ? Non, un PONT.
De simples mots qui illustrent ce terrible constat : “Lorsque l’on vit dans la rue, on n’a pas la même définition des choses”.
Visuel Samu Social 
L’association Aurore, quant à elle, avait opté pour le décalage en détournant de grands noms du luxe. Un contraste saisissant entre le prestige de ces marques et la réalité de la rue. Et une pointe d’humour… noir… pour donner vie à Yves Sans Logement, Jean-Paul Galère et Christian Dehors. Il fallait oser.
Visuel Association Aurore
Le secteur privé ce mobilise également et ne manque pas d'idées. A l'instar de "L'entreprise des possibles", un collectif de sociétés lyonnaises fondé en janvier 2019 par Alain Mérieux dont l’objectif est de favoriser la réintégration de personnes qui n’ont plus de toit décent ou qui risquent de le perdre. 
Le système repose sur un principe clair et efficace : l’abondement par l’entreprise de chaque action menée par un collaborateur au bénéfice d’une association partenaire, démultipliant ainsi son impact. Don de congés payés, monétisé et abondé par l'employeur, ou missions de bénévolat menées par les salariés sur leur temps personnel et complétées par du temps supplémentaire pris sur les heures de travail.
Des projets d’accueil et de formation sont également en préparation.
Un exemple à suivre dans d’autres régions ?
« Il n'y a pas de fatalité au problème des sans-abri » affirmait en 2008 Martin Hirsch, alors haut-commissaire aux solidarités actives. 
La situation en France ne s’est pourtant pas améliorée, bien au contraire, avec notamment la question des mineurs et des migrants.
A l’étranger, ce n’est guère mieux. Quelques exceptions comme la Finlande qui conduit avec succès la même politique depuis plus de 30 ans : "un logement d’abord". Un objectif ambitieux également soutenu par La Fondation Abbé Pierre pour qui "le logement doit devenir le point de départ de l’insertion plutôt que la finalité".
Car reloger n’est que la première étape d’un long processus pour sortir durablement les gens de la rue.

Gardons espoir.
Gardons intactes notre empathie et notre humanité.
La prochaine fois que nous croiserons une personne SDF, ne nous contentons pas de lui jeter une pièce. 
Eté comme hiver, un sourire, une parole lui rappelleront qu’elle est encore digne d’être regardée.

Véronique Fima
Réflexion Durable
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* Etude Insee

Commentaires

  1. Un article de fond qui donne l'occasion de comprendre l'évolution d'un phénomène social insupportable et qu'aucune politique publique n'a encore réussi à éradiquer.

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  2. Un article sensible sur un sujet qui l'est tout autant.

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