Acheter ou ne pas acheter ce 29 novembre est-il un acte militant ?

Pour mémoire, le Black Friday vient des Etats-Unis. Chaque 4ème vendredi de novembre, c’est un grand jour de soldes qui marque le lancement des achats de fin d’année.
Depuis peu, la France est également touchée par ce drôle de « Vendredi noir ». Très attendu par certains, il connait de plus en plus de détracteurs.
Stop Black Friday
Pourquoi est-il décrié ?
Pour Emery Jacquillat, PDG de la Camif , « ce dernier vendredi de novembre est une nouvelle illustration d’une surconsommation absurde, qui accélère l’épuisement des ressources. »

Quelques chiffres :
  • Une personne achète 60% de vêtements en plus qu’il y a 15 ans, tandis que chaque article acheté est gardé deux fois moins longtemps (Etude ADEME  septembre 2018).
  • 88% des Français changent leur téléphone portable alors qu’il fonctionne encore (Étude Que Choisir).
  • En Chine, le 11 novembre dernier, 1 milliards de dollars ont été dépensés en 68 secondes suite au « Single day » organisé par Alibaba.

Le Black Friday serait donc une journée noire pour la planète, mais aussi un non sens pour les consommateurs qui achètent des choses dont ils n’ont a priori pas besoin. 
Pourquoi une telle levée de boucliers pour ce qui pourrait être un jour de promotion comme un autre ? 
Parce que cette course effrénée veut nous faire croire que nous serons plus heureux si nous possédons plus. Parce que cette opération commerciale va à l’encontre des enjeux environnementaux et sociétaux d’aujourd’hui et de demain.
Les défenseurs rétorqueront : où est le problème puisque cela profite au portefeuille des français ? D'une part les réductions ne sont pas toujours si intéressantes que cela, sans compter que certains n’hésitent pas à gonfler artificiellement leurs prix pour faire croire à de super affaires ! D’autre part, à force de trop acheter, même au rabais, le budget des ménages explose tout comme le surendettement. Résultat, selon le dernier baromètre Greenflex, 88 % des Français considèrent que les entreprises incitent à la surconsommation.

La solution à cette frénésie semble donc toute trouvée : boycottons cette journée ! Oui mais, est-ce si facile ? Et quelles sont les alternatives ?
Commençons par les entreprises qui subissent les pressions de la concurrence, quel dilemme : Participer ou ne pas participer au Black Friday ?
Un choix difficile et on peut comprendre qu’il ne soit pas simple de faire l’impasse sur ce genre d’événement quand on connait l’enjeu économique qu’il représente et les répercussions qu’une perte de chiffre d’affaires peut générer.

Et pourtant, plus de 600 marques françaises ont rejoint le mouvement MakeFriday Green Again pour dire stop au Black Friday et à la course effrénée à la consommation. 
Les exemples ne manquent pas.
En 2017, la Camif avait été parmi les premiers à boycotter le Black Friday. Il avait même été décidé de ne rien vendre ce jour-là et de fermer le site de l’entreprise en signe de protestation. Coup de pub ou colère sincère ? Peu importe, la prise de conscience est réelle. Et pour la 3è année consécutive, le site sera fermé ce 29 novembre #JeMeDeconnectePourLaPlanete.
Visuel la Camif
En 2018, Nature & Découvertes avait lancé une campagne de fortes réductions... pour alerter sur la disparition d’espèces animales (-73 % de moineaux domestiques à Paris, -58 % d’animaux sauvages dans le monde).
L’enseigne avait ainsi attiré des clients en affichant -73% ou -58% sur ses vitrines. Restait ensuite à leur expliquer qu’il ne s’agissait pas de réductions de prix mais que ces chiffres illustraient de vraies risques pour la biodiversité. Il serait intéressant de connaître les réactions des clients une fois l’effet de surprise passé. Ont-ils été déçus ou convaincus par la démarche ?
Visuel Nature & Découvertes
La même année, Naturalia avait détourné le Black Friday en "Vrack Friday" pour inciter à réduire les emballages.
Depuis quelques jours, le site de mode éthique Wedressfair prône le Block Friday, détournant des termes promotionnels consuméristes en plusieurs slogans. Parmi lesquels « La seule réduction qui compte, c’est celle de nos déchets » ou « Les seules bonnes affaires sont celles que l’on a déjà ». D’autres sont un peu plus simplistes dans leur formulation voire un tantinet démagogue mais l’effet escompté est là : on en parle !
Visuel Wedressfair
Parce qu’au-delà de la sincérité de l’engagement d’un nombre croissant de marques dans ce domaine, il n’en reste pas moins que sans communication, pas de buzz, et que sans buzz, pas de réaction. La communication doit donc être originale, percutante, revendicative.
Visuel Green Friday
« Le Green Friday se mobilise en rappelant que l’acte d’achat est un choix fort : celui de changer le monde au quotidien", déclare le collectif. "Face à une course au profit trop souvent aveugle, Green Friday entend rappeler que les actions individuelles peuvent avoir un impact décisif sur le collectif." 
Un mouvement contre le géant Amazon s’est même créé : stopamazon.fr.
Du militantisme à l’activisme, il n’y a qu’un pas : le 29 novembre, acheter ou pas sera quasiment un acte politique.

Et les consommateurs, ils en pensent quoi ?
D’un point de vue général, les Français sont de plus en plus nombreux à s'intéresser aux achats responsables et à l'origine des produits.
86% des Français aimeraient vivre demain dans une société où la consommation prend moins de place (baromètre Greenflex 2019).
Ces chiffres doivent néanmoins être nuancés par une réalité sociale et économique. 10% des ménages les plus modestes ne disposent que de 180 euros après avoir payé leurs factures (étude Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques - 2018). Ces 10% là, et tous ceux qui ont des difficultés à boucler leur fin de mois, n’auront sans doute même pas les moyens de s’acheter quoi que ce soit pendant le Black Friday mais peut-être sont-ils impatients de profiter d’un prix exceptionnel pour remplacer leur four ou leur frigo en panne.
Les priorités ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
Il est plus facile de ne pas céder aux sirènes de la surconsommation quand on a besoin de rien.

Ne soyons donc pas moralisateur
Essayons de sensibiliser à uneconsommation différente plutôt que de culpabiliser. 
Apprenons à devenir des acteurs avertis d’une consommation choisie et maitrisée. 
Recycler, réparer, trier, donner, réemployer, consommer local… quand nous pouvons… sans oublier aussi de nous faire plaisir. 
Car l’humain est plein de contradictions. Un jour idéaliste soutenant un monde plus juste, une alimentation bio, des produits durables, un autre jour prêt à sauter compulsivement sur l’offre du moment. 
Que celui ou celle qui n’a jamais craqué pour un vêtement dont il n’avait pas besoin jette la première pierre ;-) 
Nobody is perfect…

Véronique Fima
Réflexion Durable
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Commentaires

  1. Ce n'est effectivement pas facile de jongler avec toutes nos contradictions. On fait au mieux...

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    1. Nous sommes tous plein de contradictions. C'est aussi ce qui fait notre richesse ;-)

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